poissons à l'ancienne

Histoire et disparition du caviar sauvage

C’est au Moyen-âge que le caviar sauvage (jeté à l’époque aux cochons par les Européens), conquiert la Russie orthodoxe. A l’époque, ce « plat de carême », remplace la viande, interdite à l’époque 200 jours par an.

Du plat du pauvre au mets de l’aristocratie russe

Longtemps laissé aux pauvres pieux, le caviar sauvage ne séduit l’aristocratie russe qu’avec Catherine II, au 18ème siècle. Connaisseurs, les bolcheviks nationalisent sa production en 1919. Ils n’exportent qu’un dixième de la récolte annuelle. Nicolas II prélève chaque année sa dîme en perles noires. Les modes préparatoires et de conservation (à base de sel) se perfectionnent. Le caviar devient délicat et prend la route de la cour des Tsars où il se pare de toutes ses lettres de noblesse. L’aristocratie l’apprécie et la production russe débute à son tour.

Le caviar se mondialise

Les Italiens en raffolent très tôt et depuis la Renaissance ils se rendent en mer baltique régulièrement afin de se ravitailler. Cette passion est très loin d’être partagée en Europe.

Les Allemands ne l’apprécient pas alors que leurs eaux en regorgent. Pour l’anecdote, en 1800 à Hambourg, une loi interdit aux employeurs de servir de l’esturgeon aux employés plus de deux fois par semaine !

Les Français n’en sont pas vraiment friands et l’on évoque un incident diplomatique lorsque Louis XV recracha sur le tapis de Versailles la cuillère de caviar de l’ambassadeur de Russie offerte par Pierre le Grand.

A New York vers la fin du 19ème siècle, la chair de l’esturgeon de l’Hudson est si commune qu’on l’appelle «Albany beef». Les Etats-Unis sont alors le premier producteur de caviar. Dans les bars, on en offre des coupelles à la place des cacahuètes.

Une histoire marquée par la Révolution russe

En 1917, lors de la Révolution Bolchevique, les aristocrates Russes fuient pour échapper au massacre. La France est une des principales destinations de cette noblesse qui apporte avec elle son goût pour le caviar.
C’est véritablement durant les Années Folles, à Paris, que le caviar fut porté au rang des mets les plus nobles. Sous l’impulsion des immigrés, des familles princières et des négociants russes, fuyant la révolution bolchévique de 1917, l’art du caviar s’est imposé sur les meilleures tables du Monde, des milieux artistiques, devenant le symbole absolu du luxe, et l’ingrédient indispensable à la réussite des plus belles réceptions.

Dès le 20ème siècle, les petites perles noires séduisent le plus grand nombre et les prix se mettent à flamber. Alors, la pêche massive des esturgeons décime la Mer Caspienne jusqu’à menacer l’espèce d’extinction. Cela va provoquer très rapidement la disparition du caviar sauvage. Parallèlement, alors que l’Iran et l’URSS étaient les deux seuls acteurs de la Mer Caspienne, l’explosion de l’Union Soviétique ébranle le marché du caviar sauvage.

La disparition du caviar sauvage

La Mer Caspienne ne fournit plus que 10 tonnes de caviar par an contre 1000 tonnes dans les années 1990 ! Alors la CITES (convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages) qui réglemente la pêche des esturgeons depuis 1998, prononce l’interdiction du commerce du caviar sauvage en 2008.

L’esturgeon devient une espèce protégée

Aujourd’hui l’esturgeon est classée espèce protégée. Il est impossible de se procurer du caviar sauvage qui ne soit pas du caviar de contrebande.

L’esturgeon, connaissant une exploitation croissante, est mis en péril. C’est pour cette raison que dès la moitié du 20ème siècle, en Russie, en Europe et aux Etats-Unis, les premiers essais d’élevage sont réalisés. Voilà une vingtaine d’années que le caviar d’élevage est commercialisé, et avec une qualité croissante. Depuis le 1er avril 1998, la convention CITES établi des quotas de pèches afin de protéger les espèces sauvages.
Néanmoins, le caviar coule à flots. Les «nouveaux Russes» renouent avec le faste de la cour des tsars. L’Occident est inondé de caviar de contrebande, conditionné la nuit, en mer, pour échapper aux patrouilles.
Mais l’implication du crime organisé rend l’arme à double tranchant. L’offre se raréfie brutalement, les prix explosent… et le trafic redouble. Saisies, mais pratiquement jamais détruites, les cargaisons de caviar illégal ressurgissent, pasteurisées (pour les «prolonger») et bardées de faux certificats CITES.
Pour stopper le carnage, il n’existe qu’une solution : produire du caviar d’élevage en quantité suffisante pour satisfaire la demande mondiale. Un objectif quasiment atteint aujourd’hui, avec 120 à 150 tonnes annuelles de caviar d’élevage. Alors que le sauvage est totalement interdit depuis 2010, on ne risque plus la pénurie. La Chine, l’Italie et la France en tête, de nombreux pays se sont lancés dans cette production. Production, qui requiert de lourds investissements.

Source @Charles de Saint Vincent – Auteur de « Caviar, manuel décomplexé à l’usage de l’ amateur »

Image : (Annual Reports of the Fish and Game Protector of the State of Oregon, 1897-1898, Fifth and Sixth


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