Pourquoi le caviar a-t-il failli disparaître ?

AUTEUR
Aurélien
DATE
26.09.2018
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Par Aurélien • Publié le 26/09/2018

Pourquoi le caviar a-t-il failli disparaître ?

Il aura suffi d’une décennie 1990-2000 que le caviar provenant d’esturgeons sauvages disparaisse des tables occidentales. Dès 1990, les populations d’esturgeons vivant hors de la mer Caspienne, autres sources possibles de caviar, sont épuisées.

Les raisons pour lesquelles le caviar a failli disparaître ?

L’Elbe et les fleuves d’Europe centrale, autrefois riches de cette espèce, sont dépeuplés dès le milieu du XIXe siècle.

Les esturgeons américains sont exterminés à la toute fin du XIXe siècle, depuis la côte Est jusqu’à la côte pacifique en passant par les Grands Lacs et le Mississippi.

En Europe, les dernières pêches importantes ont eu lieu en France, en Gironde, dans les années 196o”1. Les souches endémiques s’étaient progressivement éteintes à cause de la surpêche, de la mer du Nord à l’Atlantique et à la Méditerranée.

À partir de 1980, les hydrocarbures et l’introduction accidentelle d’une espèce prédatrice de plancton°2 sont à l’origine d’une très importante pollution en mer Noire et en mer d’Azov. Ce changement brutal de l’écosystème est venu accroître les difficultés de reproduction d’espèces locales déjà chancelantes.

Au même moment, les pêcheries chinoises de la frontière sino-soviétique s’industrialisent fortement, jusqu’à épuiser elles aussi leurs ressources en quelques années.

Fin 198o, la mer Caspienne est la première mais aussi la dernière réserve d’esturgeons à caviar.

Soviétiques et iraniens

Jusqu’à la fin des années 1980, les gouvernements soviètique et iranien se partagent l’exploitation des esturgeons de la Caspienne. Tous deux considèrent d’ailleurs l’industrie du caviar, bien modeste au regard de celle des hydrocarbures, comme un outil essentiellement politique, au service du régime et de son prestige : exportations limitées, cadeaux aux “amis”, propagande…

Mais dans un écosystème malmené depuis 2 siècles, c’est un intense programme de reproduction artificielle que les deux pays doivent le renouvellement des populations d’esturgeons.  Des millions d’alevins nés de fécondations in vitro sont en effet rejetés chaque année. Ce programme, aux résultats controversés semble néanmoins faire reculer le rythme d’attribution de l’espèce. Il est complété par une gestion stricte des exportations par les deux organismes d’État (le Prodintorg soviétique et le Shilat iranien) par une chasse impitoyable aux fraudes et au braconnage et par une limitation des pêches irraisonnées. Dès 1962, l’URSS interdit la pèche en mer et ne l’autorise que dans les stations rivière afin de préservez les esturgeons non matures.

Les experts semblent donc raisonnablement optimistes quant à l’avenir du caviar. En 1986, Horst Gôdecken, ancien directeur de Dieckmann & déclare ainsi « Les dernières statistiques montrent que, grâce à la pisciculture, les réserves d’esturgeons ont augmenté, notamment dans la mer Caspienne…
En tout cas, grâce [aux mesures qui ont été prises], les vendeurs et amateurs de caviar n’ont pas à craindre que le plus grand et le plus d’eau douce de la Terre ne disparaisse, ni que le véritable cava n’atteigne un prix astronomique. » La catastrophe est pourtant immense.

La disparition de l’URSS

En 1991, vient le coup de grâce que personne n’avait anticipé la disparition de l’URSS. Cette disparition scission des anciens territoires soviétiques des pourtours de la Caspienne et la formation de nouvelles entités politiques. Russie, Azerbaïdjan, Kazakhstan et Turkménistan . Les troubles liés à la mise en place de ce nouvel ordre kilt exploser la criminalité comme les entorses à la gestion des ressources naturelles en caviar. Alors que les écloseries nationales voient leurs programmes suspendus faute de subsides, et malgré la vente de quotas de pèche au plus offrant pat le gouvernement Eltsine, la dérégulation et la corruption provoquent une augmen-tation des volumes pêchés et du braconnage, jusqu’à rapidement mettre en peril la survie même de l’esturgeon en mer Caspienne.

L’explosion du braconnage puis la pénurie de caviar dit « sauvage » ont durablement ébranlé les structures traditionnelles du marché du caviar.

Cet âge sombre vient ternir l’image noble du caviar. Ces années noires sont retracées dans les récits passionnants. Ils relèvent parfois du roman policier  de Richard Adams Carey ou d’Inga Safran. Soudain, les quelques négociants internationaux  qui, jusqu’à présent, contrôlaient un petit marché bien régulé par des contrats annuels de quasi-exclusivité avec des monopoles d’État voient arriver des intermédiaires douteux ou des trafiquants pur jus, les bras chargés de suitcase caviar (« caviar-valise »). Transporté par avion grâce à des « mules », il échappe à toute forme de contrôle, de taxes ou de règles sanitaires. Alors qu’une législation internationale se met en place, les réseaux parallèles se professionnalisent contrôle du braconnage par les mafias en mer Caspienne, plaques tournantes de redistribution illégale au Moyen-Orient et en Europe de l’Est (la Pologne notamment se trouve au centre d’un vaste réseau parallèle), attentats à la bombe, suicides, saisies… Objet de toutes les convoitises, le caviar s’acoquine avec le crime. Et pour pratiquer des prix alléchants, de nombreux négociants succombent à la tentation de la contrebande.

Cet afflux soudain d’un produit que la concurrence, la désintermédiation et le marché noir rendent meilleur marché.  Les prix jouent au yo-yo au gré des arrivages plus ou moins légaux. Il fait apparaître le caviar là où ne l’attend pas, notamment dans les supermarchés d’Europe. Cela contribue un peu plus si ce n’est à écorner du moins à banaliser l’image autrefois mythique. Sans compter que ce dernier, notamment lorsqu’il provient de Russie ou des ex-territoires soviétiques, souffre souvent d’un manque absolu de contrôle sanitaire. Il n’est pas rare de voir arriver sur le marché des caviars avariés ou très abîmés. Une chose quasiment impensable du temps de la mainmise du Prodintorg soviétique.

La pêche en hausse

L’augmentation des pêches, difficile à quantifier du fait de l’importance du marché parallèle, est néanmoins de courte durée. Le fragile équilibre de la mer Caspienne est en effet rompu, et les prises en mer, brusquement, s’effondrent. En 198o, les chiffres officiels de prises d’esturgeons sont à leur plus haut niveau 29 000 tonnes. Presque le record des années 1900 (33 000 tonnes). 1990, ils sont de 18 000 tonnes ; 1995, de 3 000 tonnes ;1998, inférieurs à 1 000 tonnes. Même en prenant en compte des prises illégales importantes, il faut se rendre à l’évidence. L’aube du XXIIe siècle, l’esturgeon en mer Caspienne est au bord de l’extinction.

Des mesures de protection et de restriction sont progressivement mises en place. A la fois par les États producteurs et par les principaux pays importateurs avec, notamment, des quotas d’exportation de caviar . Mais les pêcheurs avouent leur difficulté à atteindre un volume qui soit ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’il était dix ans plus tôt.

La surpêche n’est pas seule responsable de ce désastre, qui semble résulter d’une conjonction de facteurs environnementaux défavorables. Des analyses montrent qu’en 1990, près de 6o % de la population d’esturgeons de la région souffrent d’une affection surnommée « myopathie de l’esturgeon ». Elle est provoquée par la forte pollution des eaux.

La méduse attaque

Comble de malchance, on s’aperçoit également que la micro-méduse américaine Mnemiopsis leidyi arrive. Une lady qui se nourrit de plancton et de larves de poissons. Elle avait déjà fait de sérieux dégâts en mer Noire. Elle est arrivée en mer Caspienne vers 1999 via le canal Volga-Don. La nouvelle venue menace sérieusement le kilka et d’autres espèces dont dépend l’esturgeon pour se nourrir…

Le caviar légal, issu des pêches réglementaires, se fait alors de plus en plus rare. Les prix remontent en flèche, vers des sommets jusque-là inconnus . Les négociants luttent pour préserver leurs marges, et pour rester en conformité avec les nouvelles normes et restrictions du marché.

Très vite, les quotas ne sont plus que symboliques. Ils deviennent nuls en 2008, pour la première fois dans l’histoire. Aucun des pays traditionnellement producteurs de caviar ne peut en exporter. Le caviar d’autrefois vient de mourir, entraînant dans sa chute de nombreux acteurs du marché, dont certaines figures historiques telles que la société Dieckmann & Hansen qui, après plus de cent _ vingt-cinq ans dans le négoce de caviar, met la clé sous la porte en 2000.

Source @Charles de Saint Vincent – Auteur de « Caviar, manuel décomplexé à l’usage de l’ amateur »

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