Pourquoi l’esturgeon est-il un poisson fascinant ?

L’esturgeon est un “fossile vivant” et une énigme scientifique qui passionne les biologistes marins. Pour les néophytes, il est tout simplement bizarre et donc intéressant.

L’esturgeon, un poisson préhistorique

L’esturgeon, avec son étrange rostre et son corps caparaçonné de plaques osseuses et coupantes, semble tout droit sorti de la Préhistoire. De fait, contemporain de certains dinosaures, il n’a pas évolué depuis le Crétacé (il y a environ 100 millions d’années). On estime, en outre, que sa famille, les Acipensériformes est née voilà plus de 250 millions d’années.

Grâce à une bouche fouisseuse extensible et dépourvue de dents, les aliments sont happés par succion et broyés dans la bouche par des plaques cartilagineuses, il se nourrit d’organisme benthiques (vers, larves, crustacés, mollusques et petits poissons). Mais le nageur efficace qu’il est peut aussi chasser des poissons ou autres animaux pélagiques. Ces caractéristiques, ainsi que la protection que lui offrent son épaisse cuirasse et sa grande taille, lui ont permis d’occuper une niche écologique unique.

Poisson archaïque, il n’en demeure donc pas moins un modèle d’évolution et d’adaptation naturelle. Il a survécu à toutes les grandes vagues d’extinction depuis l’âge des dinosaures. Contrairement aux autres fossiles vivants, comme le coelacanthe, la diversité de ses espèces est extrêmement grande. On en dénombre aujourd’hui entre 24 et 26 dont la plupart sont hélas menacées d’extinction du seul fait de l’action humaine.

L’esturgeon, un mystère pour les scientifiques

L’esturgeon a toujours recelé une grande part de mystère pour les scientifiques. Animal secret, difficile à observer dans la nature, il se caractérise par un polymorphisme extrême, c’est-à-dire que les traits morphologiques et comportementaux au sein d’une même espèce peuvent fortement différer d’un individu à l’autre et même, pour un unique spécimen, d’un âge à un autre.

Les premiers taxonomies ne savaient pas comment classifier l’esturgeon, et force est de constater que les scientifiques actuels sont tout aussi perplexes devant la complexité de son patrimoine génétique. Là où l’homme se contente de 23 paires de chromosomes, l’esturgeon en possède 120, 240 ou même 500 selon les espèces. Ce génome complexe, qui ralentit le rythme des mutations génétiques et semble faciliter l’hybridation entre espèces, est en quelque sorte une machine à remonter le temps biologique, comme si on avait retrouvé, arrachée, la page “Poisson” d’une encyclopédie datant de plusieurs centaines de millions d’années.

Source : “Manuel décomplexé à l’usage de l’amateur” Charles de Saint Vincent